Show Menu
  • Accueil
  • Littoral
  • Ailleurs
  • Thèmes
  • Chimères
  • Actualités
  • Expos
  • Articles
    • déserts
    • littoral / nature
    • citations
    • bio / présentation
  • Contact
  • Liens

Vestiges

 

Une première vie

La terre d’abord: locale. Celle-là même qui sert à fabriquer les tuiles et les briques de la région. Malaxée, laminée, découpée en milliers de briquettes minuscules qui, collées à la barbotine, ont servi à édifier  ces constructions de patience. D’autres fois modelée en courbes sensuelles. Des sources d’inspiration ensuite: abris de pierres sèches du pourtour méditerranéen, cases-obus du Cameroun, architectures de pisé du Maroc, bories de Provence, habitat Tellem de Bandiagara et villages navajos sous roche.  Plus tard viendra l’influence d’artistes de l’époque qui se jouaient des frontières entre sculpture et architecture. Influence passagère sur une série de réalisations, pour s’en affranchir ensuite. La cuisson enfin, dans une fosse creusée dans le jardin, à l’intérieur d’un bidon de métal récupéré sur la plage, sous un feu ardent maintenu trois bonnes heures. Pour d’autres, plus fragiles, dans le four d’un potier voisin. Et après cela, la concrétisation du projet de départ: éléments de terre cuite montées en maquette, solidarisées sur un support parfois, ou associés au sable teinté d’un pigment ocre rapporté des carrières d’Apt, en de fragiles installations. Ont suivi quelques expositions dont il reste d’éphémères traces dans quelques catalogues oubliés: galeries associatives ou privées, lieux culturels, biennale de sculpteurs… c’était il y a longtemps, à la fin des années 80.

Un très long sommeil.

Stockées dans des caisses de bois, elles dorment pendant plus de 25 ans à l’étage de l’atelier, leur souvenir même s’estompe, remplacé par d’autres préoccupations et d’autres pratiques. Puis arrive très récemment une volonté et une nécessité de faire le vide. C’est au moment de mettre en miettes celles qui ont survécu aux précédents tris, avant de les transporter vers la case « gravats » de la déchetterie qu’une idée commence à germer. En faire les dernières images comme on le ferait d’un quartier en péril ou d’une architecture vouée à la démolition. En garder une ultime trace.

A nouveau sous la lumière.

Un très large plateau recouvert du même sable ocre rouge, en couche épaisse pour être modelé en dunes miniatures, quelques éclairages mobiles et un APN sur pied seront nécessaires pour débuter une longue période de prises de vues, qui se prolongera sur plus d’un mois, chaque matin. Mise en place des constructions, modelage du sable, installation de lumières parcimonieuses, et enfin multiples prises de vues en pose longue en variant lumière, angles de prise de vue et couple vitesse/ouverture pour varier les profondeurs de champ.

Le temps du rêve

A l’origine de ces constructions de vieux rêves où se mêlaient des images d’altitudes minérales, d’Afrique, de désert, de terres ocres, de soleil et de sécheresse, et en même temps l’idée de les habiter symboliquement, d’y construire des abris élémentaires, des « demeures » pour l’esprit, et non pour le corps ; refuges de l’imaginaire, ermitages de la pensée. Ces images mentales issues de lectures, de photographies, de visites d’expositions, de sensations estivales, de songes récurrents n’étaient, à l’époque, que virtuelles et constituaient le véritable « décor » invisible de ces architectures. Or, pendant cette longue période d’oubli, j’ai pu parcourir « en vrai » quelques minuscules fragments de ces espaces rêvés, en particulier en Afrique et dans des zones montagneuses, et en rapporter quelques images*. Grâce au photomontage, j’ai pu fondre le réel et l’imaginaire, intégrer chaque sculpture/architecture à un paysage au préalable réinterprété. Au final, ces « vestiges intérieurs » retrouvent quelque chose de leur origine tout en restant dans l’espace de l’imaginaire et le temps du songe

Chimères

.Je n’aurais jamais imaginé que des rêves issus de l’enfance puissent avoir une vie aussi longue. En réalisant ces photomontages j’ai retrouvé une activité plus proche du jeu que de la création ; comme à l’époque lointaine où je laissais des constructions improvisées de brindilles de bois ou d’argile, dans le creux d’une dune ou la fissure d’une falaise, sans aucune arrière-pensée artistique. Ces petits vestiges de mon histoire personnelle sont maintenant détruits. Il n’en reste que ces images. Leur aspect crépusculaire ou nocturne les présente comme des chimères sur le point de se dissoudre dans la nuit, des songes au bord de l’effacement, quelques poussières de terre et de sable que le vent va emporter.

Revu et corrigé le 19 10 2017

*Pour quatre de ces 12 montages, quand je ne trouvais pas dans mes propres images des fonds adéquats, j’ai utilisé des fragments d’images libres de droits téléchargées sur internet. Au cas où ce ne serait pas le cas, et que quelqu’un se sentait lésé par l’utilisation que j’en ai faîte, merci de me la signaler grâce à la boîte de contact de ce site. Je supprimerai immédiatement la photo.

 

« J’emprunte provisoirement à la nature de la terre, du sable. Je les installe dans le temps en inventant des histoires (constructions, destructions, transformations, mise au jour, enfouissement) qui viennent s’ajouter à toutes celles déjà vécues. Je les mets en scène quelque part entre la géométrie, l’architecture et le paysage. Ces histoires sont à leur tour partiellement dissimulées dans l’immobilité, l’attente, le silence. Mais le sable peut encore couler, se répandre, les murs se briser, s’effondrer, disparaître. Formes et matières restent soumises à l’empreinte du temps. Comme ce bord d’océan, plage de sable ou falaise de roche et de terre, que j’arpente quotidiennement. »

JLB / catalogue TERRE /  5eme biennale de Châteauroux – 1989

« Dans le creux de la main, la terre mêlée à l’eau capte et enregistre les pensées qui passent. Patiemment, elle se construit en abri. L’air lui donne une présence provisoire, fragile, puis le feu lui offre sa couleur, son évidence. La terre dure rassure, comme un moment d’existence arraché à l’oubli. Dans le sable la trace passe. La vague, le souffle du vent ou un rayon de soleil l’érode et l’efface… elle n’est même plus un souvenir. Le sable s’obstine à couler entre les doigts ; il entraine notre regard inquiet vers le sol où finit sa chute.

Sculptures ?… peut-être pas. Terre et sable associée en quelques regards circulaires, voyages immobiles et silencieux d’architectures ruinées. Le temps y mène sa ronde à son rythme. »

JLB / catalogue CREART /  La Manufacture – Nantes – 1993

© Jean Luc Billet -toute reproduction interdite sans l'accord de l'auteur.

WordPress Photography theme by The Theme Foundry